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8 février 2007 4 08 /02 /février /2007 11:24

Un livre sur mes vols, parce qu’au-delà d’une expérience personnelle, je dirai même une aventure, c’est aussi une histoire familiale.


Mon épouse d’abord comme    " Femme de pilote jamais là"   au cours des périodes " aéroclub et avions d'affaires en transport public",  puis,  commercial de la société, disponible elle aussi 24h/24.
Mère d’une apprentie pilote puis stagiaire elle-même, elle est devenue pilote d’avion d’affaires. Copilote sur biturbine puis sur jets d’affaires.

 

Ma fille elle, a fait avec moi son apprentissage de pilote privé et l’entrainement aux brevets professionnels tout en remplissant les fonctions de copilote à mes côtés.

Sept années de pilotage avant qu’elle ne prenne, fin 93, ses fonctions de commandant de bord dans une entreprise privée avec François, compagnon et copilote qui deviendra son mari en 1995 ( et son " ex " en 2006).

 

À compter de ce moment, le poste copilote qui était partagé par la mère et la fille, et, occasionnellement par le futur gendre, sera occupé à temps plein par mon épouse.

Nous partagerons aussi les vols et atterrissages en montagne en ULM.

 

Quant à ma fille cadette, saturée par les discussions aéronautiques familiales, elle qui ne volait que très occasionnellement avec moi,   elle a partagé l’expérience assez rare, de se crasher en ULM dans un champ de maïs pour une perte de puissance juste après le décollage.

 

Il fallait bien que toutes ces expériences puissent être relatées pour rester dans la " mémoire aéronautique familiale" et que les petits enfants sachent ce qu’ont vécu parents et grands-parents ensemble.

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 20:49

Dax sera une période très " zen ". Ici on baigne dans l’ambiance aéronautique tant au club qu’au sein de la base militaire. Rien n’a changé depuis mon séjour en stage de pilote militaire. Geo le mécano est toujours là. Michel Baurin aussi et le Président, Jean Puyo est très bien. Un jour il me téléphone pour que je prépare son avion, un monomoteur Gardan, en me priant de l’accompagner avec mon épouse à Tarbes. Nous déjeunons au restaurant de l’aéroport, une très bonne table. À la fin du repas, il me dit :
" Sais-tu pourquoi je t’ai fait venir ici avec ton épouse ? " 
" Non, mais nous apprécions beaucoup votre invitation ".
" Eh bien… je trouve que tu ne gagnes pas assez bien ta vie au club et je veux te proposer une augmentation ! ".
Véridique !   Il faut dire que je me démène beaucoup, je consacre beaucoup de temps à l’aéroclub. Réalisation de bulletins de liaison, cours du soir, présence quasi permanente du matin au coucher du soleil six jours par semaine et je ne récupère même pas les jours fériés travaillés. Comme à Orléans, toujours la même passion de l’instruction, mais il faut bien le dire, au détriment de la vie de famille. Mon épouse s’est trouvée un peu abandonnée pendant ces années d’aéroclub.

Les samedis soir je fais régulièrement un atterrissage en campagne en planeur avec un élève pour le familiariser à la prise de terrain en campagne. Je choisis un champ proche du terrain et avec l’accord du propriétaire, nous faisons des grillades à côté du planeur avec tous les membres du vol à voile. Ça donne une bonne occasion de festoyer, de rigoler tous ensemble et de faire la démonstration d’un dépannage avec le démontage du planeur et son retour au terrain sur une remorque.

 

Je continue à voler beaucoup aussi bien en vol moteur qu’en vol à voile, mais aussi en vol en montagne dans les Pyrénées et en voltige, nous avons deux Stampe. Je fais de l’instruction voltige et je me perfectionne suffisamment pour que l’on m’envoie faire des présentations au-dessus de villages qui ont demandé, moyennant finances, une démonstration pendant la fête locale. Nous sommes loin des contraintes actuelles. Il n’y a rien à demander aux autorités aéronautiques et les consignes de sécurité sont inexistantes, ce qui permet de faire des figures très bas sur le public qui bien sûr ne peut que mieux apprécier les évolutions de l’avion.

Avec Michel Baurin nous faisons des entrainements en vol à basse altitude sur le dos dans la campagne, celui qui ne pilote pas assure la sécurité en étant plus attentif aux obstacles. Grisant… ! Baurin est un ancien de la patrouille de voltige de l’ALAT, à ce titre il a participé aux championnats du monde de voltige à Bilbao dans les années soixante.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La base est toujours aussi cool avec les pilotes du club. Il suffit de les avertir de nos intentions, nous sommes toujours sans radio sur la plupart des avions, pour que nous puissions donner libre cours à nos talents de voltigeur, dont des passages bas sur le dos et des tonneaux au-dessus de la piste.

Chaque année le club est associé aux " portes ouvertes " de la base aérienne. Nous faisons notre démonstration de voltige et j’ai préparé une chasse aux ballons. Le jeu consiste à crever avec l’hélice des ballons gonflés à l’hélium qu’un assistant au sol libère les uns après les autres. C’est l’occasion de manœuvres spectaculaires, de piqués ou de remontées en chandelles, de virages ultras serrés à la limite du décrochage. Puis, final par un piqué sur l’assistant qui tient les ballons sur la piste pour le faire coucher et lui faire lâcher d’un coup tous les ballons restants. Le public adore.

 

 

La veille nous faisons une répétition. Pour le décollage, je prévois de faire ce que m’a fait Henri Giraud 10 ans auparavant : Décollage avec bonne prise de vitesse et montée en chandelle brutale avant de piquer sur la piste et faire une nouvelle chandelle. Je n’ai prévenu personne de mes intentions. Michel Baurin, toujours militaire est aux côtés du Colonel de la base. Au moment où je suis en chandelle, tous deux imaginent le pire et pensent à un crash. À mon retour, le Colonel n’est plus là, mais Baurin m’informe que la chasse aux ballons est maintenue à condition que je supprime mon décollage acrobatique… !

C’est fini ce genre de vols, sécurité oblige, les spectateurs sont très éloignés des axes de présentation, il faut respecter des altitudes de sécurité et ne jamais faire face au public.

L’ALAT fait une très brillante démonstration de voltige en patrouille avec les trois " Nord 3202 " et aussi avec sa patrouille hélicoptères en " Alouette II " qui surclasse tout ce que j’ai vu dans les meetings avec des hélicos. Démonstration avec les " Bell " décorés de façon très originale.

Viennent aussi les chasseurs de l’Armée de l’Air qui font des présentations impressionnantes. Très impressionnant de voir et d’entendre brutalement un avion de chasse, dans le bruit déchirant de son réacteur lorsqu’il arrive sur vous en rase-mottes à quelques mètres seulement au-dessus de votre tête et à une vitesse presque supersonique. Le commentateur du meeting vous prévient de son arrivée : vous voyez un point qui grossit rapidement, silencieusement, et ce n’est que lorsqu’il arrive très proche de vous que le bruit vous explose dans les oreilles, mais aussi dans les tripes parce que ce bruit vous fait vibrer, fait vibrer le sol, tant il est puissant.

 

 

 l'hélicon ne couvrira pas le bruit des réacteurs

 

passage d'un Transal

La patrouille des Nord 3202 dont 3 feront une brillante démonstration.

 

 

 

 

 

 

Après les présentations, le club fait le plein de baptêmes de l’air jusqu’au coucher du soleil.

 

Bonne journée aéronautique.

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 20:40

En 1971 , je renoue avec l’aviation de montagne. Pendant des vacances chez mes parents à Grenoble, je fais un stage à l’aéroclub du Dauphiné. Je vole avec Pierre Boucher. C’est un ancien collègue de l’ALAT qui a été en stage avec Henri Giraud pour apprendre la technique du vol en montagne, détaché par l’armée avec autorisation de se poser n’importe où. Une aubaine dont a profité " légalement " Giraud qui ne s’était pas gêné pour le faire avant cela.

Pierre Boucher vient de quitter l’ALAT au moment ou Henri Giraud démissionne du club pour travailler à son compte. Il prend la place vacante de chef-pilote.
Nous sommes le 2 janvier, je fais avec lui ses tout premiers vols civils. C’est à cette période qu’une formidable chute de neige bloque la vallée du Rhône et immobilise sur les routes et autoroutes des milliers de personnes. Déjà… ! Il y en aura d’autres qui produiront les mêmes effets.

Nous décollons de l’aérodrome du Versoud pour l’Alpe d’Huez, première étape de ma première journée d’instruction sur skis. Le soir, Pierre me confie le Piper avec un de ses élèves pour rentrer au Versoud. Nous avions vu le matin que le niveau d’huile était faible, mais à défaut de savoir où étaient les stocks de bidons et pensant que l’avion ne volerait pas beaucoup dans la journée, nous étions partis sans faire de complément.
Quelques minutes après le décollage de l’Alpe d’Huez, en abordant la chaine de Belledonne qui nous sépare de la vallée de Grenoble, la pression d’huile a des battements d’aiguille et finit par tomber à zéro. Je continue le vol et dès que la chaine est passée en vue de la vallée, je décide de couper le moteur. J’ai en tête l’expérience de notre Rallye dont la pompe à huile s’était arrêtée, le pilote m’avait dit que le moteur avait cassé dans les deux minutes qui avaient suivi la perte de pression d’huile.

Nous sommes en vol plané en direction du Versoud. Je ne m’y suis encore jamais posé et je ne le repère pas. Le pilote qui m’accompagne s’évertue à me le montrer, mais la vallée est sous une épaisse couche de neige, je ne vois pas l’aérodrome. Je ne vais quand même pas me poser dans un champ. Ce n’est qu’en arrivant au-dessus sur les indications de mon passager, à très faible altitude que je finis par repérer la piste. Je fais un atterrissage sur skis sur la piste en herbe et nous regagnons le club à pieds. Boucher au début ne comprend pas que j’ai coupé le moteur, mais il finit par convenir qu’il aurait cassé avant l’atterrissage et nous nous serions retrouvé dans la même situation avec en plus une belle ardoise pour le club, car une remise en état d’un moteur cassé est très onéreuse.

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 19:09

Toujours pour faire la promotion des voyages et voyager moi-même, je prévois de partir en vacances en avion jusqu’à Marrakech et Ouarzazate de l’autre côté de l’Atlas. L’avion, c’est le Mousquetaire, le plus adapté pour les longs trajets. 4 ou 5 places, une très grande soute, 600 kg de charge utile, c’est bien pour Madeleine et moi et mes parents qui se joignent au voyage.

Nous partons début octobre, période pas toujours favorable pour la météo, mais nous pourrons toujours passer sans trop de problèmes.

Première étape : Tours pour faire un plein complet " sous douanes " avant l’Espagne, donc plus avantageux financièrement, car exonéré de taxes, et passer la douane passagers et bagages.

Tours – Barcelone. À l’arrivée, on me positionne pour la finale sur la petite piste transversale. En très courte finale, le contrôleur me dit :

" Make a short landing " (atterrissage court).

Survolant déjà le début de piste, il m’est difficile de faire plus court et je stoppe au ras de la croisée des pistes. Je suis à peine arrêté qu’un Boeing 727 à l’atterrissage me passe sous le nez. 20 mètres de plus et j’étais sur sa trajectoire, nous aurions fait une catastrophe aérienne dont nous aurions été les principales victimes…

Au parking, pendant que nous sortons nos valises pour passer notre première nuit à l’hôtel, des agents de l’aéroport font bruler des fumigènes d’insecticide autour de nous. Très agréable ! Nos vêtements sont imprégnés de cette odeur pour le reste de la soirée.

Étapes suivantes : Malaga. Pas de problème à l’arrivée, mais au sol je ne comprends rien à ce que la tour me dit dans un anglais baignant dans un terrible accent espagnol, mais c’est surtout parce qu’à cette époque, mon anglais est plutôt nul. Finalement, on m’envoie un placeur qui me fera stationner à l’endroit réservé aux petits avions.

Nous passons la nuit aussi dans cette ville touristique encore bien animée. Pas moyen de s’endormir. Des voisins anglais font la java et parlent fort. J’essaye de leur dire de baisser d’un ton, mais rien n’y fait. Finalement, c’est mon père qui aura raison d’eux en leur parlant dans un anglais parfait qu’il a acquis dans sa jeunesse. Entre anglais, on se tient bien et nous avons pu dormir enfin tranquillement.

 

Malaga – Rabat : Pour survoler et atterrir au Maroc, à cette époque, il faut des autorisations. Je les ai demandées bien à l’avance, mais je n’avais pas eu la réponse avant mon départ. Avant de passer la frontière, je contact Tanger ou nous allons faire une escale ravitaillement essence.

" Vous n’avez pas d’autorisation pour venir au Maroc, faites demi-tour ".

Après moults palabres, enfin, ma demande et l’autorisation correspondante sont retrouvées, nous pouvons continuer.

Pour passer le détroit de Gibraltar qui est noyé sous une couche continue de nuages, je prends des marges en cas de panne et monte à 4 000 mètres. C’est plus que largement suffisant.

Rabat : Un lointain cousin, ambassadeur de Suisse nous reçoit chez lui. Soirée mondaine. Visite guidée de la ville par l’un de ses " serviteurs ".

Rabat – Marrakech. Pour tout notre périple, nous n’avons rien réservé. Nous tombons dans un hôtel à l’aspect extérieur correct, mais tellement minable à l’intérieur que ne supportant pas la compagnie des cafards, entre autres, nous cherchons un autre hôtel. En 1969, le tourisme n’a pas encore vraiment développé l’hôtellerie, et le pire côtoie le meilleur.

Marrakech – Ouarzazate. Pendant le roulage au départ, la roue de queue crève. Impossible de continuer. Je débarque mes passagers qui sont pris en charge par une camionnette vers l’aérogare et moi, pour pouvoir réparer plus facilement, j’entreprends le roulage vers le parking. J’avais heureusement prévu cette crevaison et j’ai une chambre à air neuve. Pour ne pas endommager le pneu, je fais mon roulage avec beaucoup de vitesse, queue haute ce qui me vaut quelques réflexions indignées à la radio. Le départ est remis au lendemain.

Nous avons téléphoné à un hôtel d’Ouarzazate qui a de la place pour nous recevoir, mais en survolant l’aérodrome, une vaste plaine de terre avec deux hangars rouillés et sur le point de s’effondrer, nous passons sans le voir au-dessus du Club Méditerranée dont la construction s’harmonise avec les maisons des alentours. Le Club envoie une voiture, car tout avion qui les survole est un client, c’est la coutume qui s’est instaurée. Sauf que nous, nous ignorions son existence. Nous y serons parfaitement bien et ce sera notre base de départ pour visiter cette région en voiture de location.

Pour notre tranquillité, il nous est conseillé d’embaucher un indigène pour garder l’avion. Notre gardien ressemble à un Touareg ; il s’installe avec son réchaud pour le thé dans un gros bidon éventré pour passer la nuit.

Aujourd’hui, Ouarzazate est un aéroport international qui reçoit les plus grosses machines et des cargaisons de touristes.

 

La météo nous a souri pendant tous nos vols. Ce voyage n’est pas un exploit, mais un si long périple n’était guère dans les habitudes des aéroclubs. Aujourd’hui, le seul frein à ce genre de voyage est le prix des heures de vol qui, avec la montée du prix de l’essence, entre autres facteurs influents, a fortement augmenté. Pour mémoire, l’heure de vol de Mousquetaire valait 60 fr, aujourd'hui 800. Je ne sais pas faire la comparaison en francs constants, mais je suis certain qu’il était bien plus avantageux de voler à cette époque. Les jeunes aussi pouvaient bénéficier de bourses, jusqu’à 30 heures par an jusqu’au brevet pour un montant de 40 fr/heure alors que l’heure de Piper en école valait 45 fr.

Heureuse époque où les aides de l’état étaient importantes en faveur des jeunes et ont soutenu bien des vocations. On pouvait entrer dans les compagnies " par la petite porte " en passant par l’aéroclub, le monitorat, le vol aux instruments dont les stages étaient abordables et pour lesquels les banques accordaient des crédits.

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 19:03

Fort heureusement, de toute ma carrière d’instructeur, aucun de mes élèves n’aura été impliqué dans un accident. Sauf un qui aura été assez mineur. Ce qui n’est pas le cas de quelques-uns de mes collègues, les accidents aériens en aéroclubs étant malheureusement assez fréquents.

J’instruisais une jeune femme qui après un premier vol solo, en avait fait deux autres seule. Tout se passait bien. Au cours d’un autre rendez-vous, je la contrôle en double-commande, deux tours de piste, tout se passe bien, sauf qu’après l’atterrissage, elle ne garde pas assez le manche tiré et la queue de l’avion a tendance à rebondir.

Je lui dis " après l’atterrissage, gardez bien le manche tiré ".

Je la surveille pendant ce vol solo. Nous n’avons pas de radio pour communiquer ensemble. Au premier atterrissage, tout se passe assez bien. Au deuxième, elle commence à redresser la trajectoire de descente pour raser la piste trop tard, ce que nous appelons l’arrondi. Cette manœuvre tardive la fait rebondir. Bon réflexe, elle remet la puissance et repart pour un nouveau tour de piste. Ce troisième tour de piste se passe comme le précédent, elle touche de nouveau la piste brutalement et remet les gaz. Il y a du vent de face, pas très fort, ce n’est pas ce qui peut gêner son pilotage, il est régulier.

A la dernière tentative, elle touche de nouveau brutalement le sol, arrondi trop tardif encore, mais cette fois-ci, elle part capot droit dans le ciel moteur au ralenti comme pour l’approche. Sans moteur, elle ne monte pas bien haut, mais avec l’inertie je pense qu’elle a bien du atteindre un quinzaine de mètres, et là, la gravité et l’aérodynamique font leur œuvre, le Piper bascule et repart nez vers le sol jusqu’au crash. Étonnamment, cela s’est passé presque en douceur, comme au ralenti. Avec le vent de face, l’avion a touché le sol presque au même endroit qu’il avait touché des roues avant de faire cette chandelle spectaculaire.

 

Je me précipite, elle est un peu groggy. Je suis un peu angoissé parce que je vois du sang qui a coulé sur son pullover mais sans blessure apparente... Je la détache, elle peut sortir avec mon aide et je l’installe allongé dans l’herbe en lui recommandant de ne pas bouger. Elle a mal à la tête. Sa blessure est juste sous le menton qui a heurté le manche à balai. J’alerte les secours et les ambulanciers l’emmènent à l’hôpital dans un matelas coquille en immobilisant bien la tête. Radio faite, elle n’a rien et sortira le jour même avec, je pense, quelques aspirines.

Le Piper malgré ce choc n’a relativement pas trop souffert. Bien sûr, un des longerons d’aile est cassé, l’hélice est cassée, le train d’atterrissage est faussé, mais la cellule en elle-même n’a pas souffert.

A l’hôpital, je fais un débriefing avec elle pour comprendre ses réactions. Elle n’était pas dans son assiette. Ayant quelques soucis amoureux, elle avait pris trop de tranquillisants, ce qui avait complètement altéré ses capacités. Au moment ou elle a rebondi la dernière fois, elle s’est subitement souvenue de ma phrase : " gardez le manche tiré " et l’a appliqué à mauvais escient.

 

Je dois dire que si j’avais eu à supporter les blessures ou la mort d’un de mes élèves, même après qu’ils aient obtenu leur brevet, j’en porterai grandement le poids de la responsabilité, même en se disant que la formation donnée a été bonne, conduite dans les règles de l’art, on ne peut s’empêcher de se sentir responsable.

C’est une crainte permanente avec les élèves en vol solo, que leur expérience étant faible, une accumulation de faits isolés conduise à la catastrophe, ce qui se passe la plupart du temps dans les accidents d’avion, même ceux de transport.

Il n’y a rarement qu’une cause, mais un enchainement de circonstances défavorables qui font que même des pilotes professionnels confirmés conduisent leur machine au crash. Quand on reproduit strictement les conditions d’un vol catastrophe au simulateur, on est surpris de constater que d’autres équipages font les mêmes fautes et que la plupart du temps, ce sont des procédures de vols appliquées sans rigueur et le manque de communication entre les pilotes qui conduisent au crash. Quelquefois aussi une rigueur sans réflexion, comme dans le cas d’un vol SWISSAIR ou le Commandant de bord malgré un feu à bord voulait se dérouter vers un aéroport pouvant s’occuper de ses passagers avec confort plutôt que de se poser rapidement sur un aéroport proche, puis ensuite voulait différer son atterrissage parce qu’en surcharge de carburant à l’arrivée. Résultat : 600° dans la cabine avant le crash… c’est vraiment trop bête… !

 

Jeune instructeur, je ne me fais pas trop de soucis, mais plus je prends de l’expérience avec les élèves et plus je m’inquiète pour eux de les savoir en navigation solo. Et je m’inquièterai encore plus quand il s’agira des vols de ma fille ou de mon épouse !

 

L’un d’eux un jour s’est perdu au cours de la dernière branche de navigation solo qui le ramenait au terrain. Cet élève avait pris une altitude plus élevée que les 500 m habituellement utilisés. 1 000 ou 1 500 m.

" Quand j’ai passé la Loire, à cette altitude, le fleuve semblait être un ruisseau et je n’ai pas cru que c’était la Loire , j’ai donc continué… !" 

Ensuite, perdu en pleine Sologne, à court de carburant, il a fait une bonne reconnaissance terrain et s’est posé en campagne. Le terrain étant quand même un peu court, j’ai dû avec l’aide de la camionnette de la gendarmerie, tirer le Rallye dans un autre champ pour pouvoir décoller en sécurité.

Il faut savoir que quand un avion se pose en campagne, le préfet est prévenu, la gendarmerie vient faire un rapport et seul un pilote professionnel peut faire décoller l’avion pour le ramener à son terrain d’origine ou un terrain voisin.

 

Le même genre d’aventure est arrivé à un autre Rallye du club, mais cette fois-ci, suite à une panne mécanique : arrêt de la pompe à huile et casse en vol du moteur. L’élève était en navigation solo et venait de décoller de Chartres. En attendant la réparation du moteur, l’avion a séjourné dans une grange quelques semaines.

Les gendarmes présents, bien entendu, je prépare le décollage en examinant bien le champ sous toutes ses coutures pour déterminer l’axe de décollage en fonction de la longueur disponible et du vent. Je compte mes pas pour choisir l’axe le plus long, je prends toutes les précautions, le terrain n’est pas très grand et le sol est un peu mou.

Pleins volets pour avoir un maximum de portance pour que les roues ne restent pas enfoncées dans le sol, mise en puissance sur freins… lâché des freins et ça roule… !

Ça roule, ça roule, mais je vois arriver le bout du champ un peu vite et je ne suis toujours pas en l’air… Enfin, le Rallye veut bien décoller, ouf… ! je passe au ras de la haie du bout du champ. En voyant des fumées proches, je me rends compte tout d’un coup que je viens de décoller vent arrière, c’est ce qui a allongé la course au sol. Un orage proche en développement a fait tourner le vent pendant que je faisais mes derniers essais moteurs et vérifications avant décollage. En l’absence de manche à air, une fois enfermé dans l’avion, rien ne m’indiquait plus la direction du vent…

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 18:47

 

Voici un texte que j’ai écrit en 1984. Il est le reflet des difficultés rencontrées par 90% des pilotes de mon époque, car il faut bien savoir que l’ENAC, l’école de l’aviation civile, ne forme qu’une petite quantité de pilotes de ligne. Les autres sont " arrivés "… " par la petite porte ".
De nos jours, financer sa formation est quasiment impossible, les couts sont prohibitifs. Le métier de pilote n’est plus vraiment accessible à tous comme auparavant.

À notre époque de désenchantement, parler avec enthousiasme de sa profession, laisser entendre qu’on y est venu par vocation déclenche souvent des réflexions contradictoires, unanimement incrédules, voire agressives, quand on aborde une catégorie professionnelle du personnel navigant : les pilotes, des pilotes d’affaires aux pilotes de ligne bien sûr.

On ne devient pourtant pas pilote fortuitement ni sans peine. C’est un choix, un choix que l’on fait très jeune avec beaucoup d’idéalisme et d’inconscience. Cette inconscience deviendra acharnement sur une route particulièrement accidentée. Seuls les gars armés d’une solide détermination parviendront à surmonter les embuches et les échecs ne ménageant ni leur temps, ni leur travail pour acquérir cette identité de pilote.

Ça commence très jeune, à l’aéroclub ou il faut participer très activement à la vie associative pour mériter des bourses: mise en piste des avions et planeurs le matin, rentrée du matériel le soir, corvées de nettoyage des hangars, des avions, du local club.

Quand on a fait ses preuves d’homme, passé ses épreuves de pilote, sacrifié ses loisirs et l’argent de poche gagné dans les travaux d’été, quand on a accumulé suffisamment d’heures de vol, on peut.... ...continuer à investir.. ! à se défoncer pour promener, baptiser les pèlerins du dimanche, remorquer les planeurs des copains du vol à voile, larguer ceux du parachutisme.
Ceux-là qui sont désignés pour ces tâches ne sont pas légion, seulement ceux qui dès l’âge de 15 ans ont su faire preuve d’un acharnement "professionnel", toujours dévoués aux tâches subalternes.

Après avoir déjà investi énormément de temps et d’énergie après avoir patienté quelques années d’engagement militaire, rabâché le B.. Â.. BA à des dizaines et des dizaines d’apprentis pilotes pour un salaire de SMICARD 6 jours sur 7 sans dimanche, sans jours fériés, 70 heures par semaine, ce dilettante cousu d’or s’endette auprès de sa banque ou d sa famille pour s’offrir un stage de plusieurs mois et de quelques millions (de centimes). Le commerçant investi dans un pas-de-porte négociable, le pilote investi simplement pour avoir le droit au travail.
Pour sortir du tour piste local, la " qualif Bi" et " l’IFR " sont indispensables, c’est même le seul moyen de vivre une aviation qui soit tournée vers les techniques d’avant garde. Du bimoteur léger au biréacteur, le pilote d’affaires pratique une aviation libre, mais aussi parfaitement codifiée.

Ceux qui veulent accéder aux compagnies aériennes doivent encore envoyer leurs cours par correspondance aux écoles spécialisées, des mois, voire des années sont encore nécessaires pour acquérir ces peaux d’ânes bien de chez nous: le brevet théorique de pilote de ligne précédé de son petit frère le pilote professionnel de première classe.

Pour accéder au manche d’un simple Fokker 27, il faut encore jouer à qui perd gagne. Démissionner de son emploi, perdre 6 mois de salaire en stage à St Yan et pour les heures de vol, il faut trouver 15 millions de centimes (150 000 frs - 1984). Gagner le droit de pointer au chômage en attendant de prendre le manche en place droite dans une compagnie régionale et attendre quelques années encore avec une paie modeste et u lourd crédit sur le dos, le droit de piloter à. gauche, en place " Commandant de Bord ". (CDB)

Faisons le compte des armées d’apprentissage, des sommes investies, des loisirs sacrifiés, des soirées passées à sécher sur des cours....

Est-ce là un métier difficile ? Sans aucun doute, il faut le dire clairement, surtout à ceux pour qui l’image du pilote s’apparente à celle d’un enfant gâté, technicien du pilote automatique, toujours occupé à combler des temps de repos fastueux.

Un travail astreignant, du premier au dernier jour, que nous faisons avec fierté.
Notre haute tenue professionnelle nous dessert, celui qui aime ainsi son métier pour le pratiquer avec autant de perfectionnisme doit inéluctablement y gagner une fortune... sans effort

Voilà donc le genre de préjugés auquel nous nous heurtons saris cesse en premier lieu.

Pour le reste, sommes-nous réellement différents ? Bien. Entendu… !

Techniciens de haut niveau, sanctionnés par des examens au sol et des épreuves d’habileté en vol, carrière courte, mais des années de travail pour devenir pilote d’affaires, pilote de ligne, plus encore pour pilote d’essai.

Des stages, des visites médicales, des contrôles en vol périodiques, autant de remises en question chaque armée de notre licence.

Grandes amplitudes et décalages d’horaires permanents, repos nocturnes souvent plus que minimum.
Des attentes fastidieuses, le bruit des moteurs, l’écoute permanente de la radio, les variations de pression, la conduite (qui semble facile) d’une machine qui demande une attention soutenue, la responsabilité et la mise en œuvre d’un outil de travail dont le prix défie toute concurrence.

Il nous faut l’aptitude, le niveau technique, la compétence, l’expérience, la condition physique, la résistance, l’habileté, le sens des décisions rapides, les sens des, responsabilités, par contre, nous n’avons pas le droit à l’erreur.

la responsabilité de la vie humaine, ultime responsabilité, soucis permanents, pour l’assumer au mieux nous nous entrainons sans cesse, nous nous remettons en question à chaque vol nous contrôlant et essayant de prévoir les pires situations de vol.

Diriger la trajectoire d’un engin volant de 500 à 900 Km/h du sol à plus de 12.000 mètres avec une précision extrême dans des trajectoires qui s’imbriquent de plus en plus : une responsabilité totale et pour de longues heures

Voici quelques années, une de nos camarades, Cdt de Bord sur avion d’affaires s’est trouvée en perdition, de nuit dans un givrage aussi violent qu’imprévisible. Nous l’avons écouté sur les ondes annoncer scrupuleusement les phases tragiques de son vol : niveaux , positions , dégradation mécanique, alourdissement de la machine, arrêt un à un de ses moteurs, puis le silence.
Au terme de sa trajectoire, elle heurta un arbre dans le champ ou elle négociait son atterrissage, laissant sa vie, mais sauvant celle de ses passagers. Il y a ça aussi dans notre métier et si heureusement la quasi-totalité des vols des se déroulent parfaitement il est des jours ou toute notre expérience et notre savoir-faire est requis, ou plus personne ne nous conteste…  (pour un temps) notre "belle identité de PIL0TE.


Merci de votre attention
Nous sommes à l’altitude de 9000 mètres,
la température extérieure est de …….

 

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 16:55

la charte du pilote de montagne

que l' AFPM
Association Française des Pilotes de Montagne
s'efforce de faire respecter
par tous.

Pilote de montagne, ta liberté apprécieras...

Mais celle des autres respecteras.

Des altiports étudieras...Les cheminements qu'il conviendra.

Dans les vallées évolueras...En évitant le "radada".

Sur les glaciers t'écarteras...Des randonneurs marchant au pas.

Seule trace y laisseras...Celle de ton ski imprimera.

Quand le trafic se chargera...Sagement tu t'écarteras.

La faune jamais ne troubleras...Les stations et villages éviteras.

La flore aussi conserveras...Surface fleurie t'enchantera.

L' AFPM tu rejoindras, pour la bonne cause tu combattras,

Ta cotisation tu paieras, ainsi l'avenir préserveras



plus jamais ça
(vidéo ancienne: 1988)26 sec/12.6 mo

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 08:30
   
 Jeune chef-pilote de l’aéroclub d’Orléans, (25 ans), j’ai décidé de changer les habitudes de ce club qui végète un peu. 
Je veux habituer les pilotes à se servir des avions pour voyager,
pas pour ne faire que des ronds sur la Sologne, pas seulement.
 

 

Les heures de vol coutent cher, mieux vaut faire supporter les frais à plusieurs élèves. Le Jodel " Mousquetaire" permet d’emmener confortablement 4 personnes. Il est équipé d’une radio, d’un VOR, d’un horizon artificiel et d’un conservateur de cap: les instruments minimums et indispensables pour aller côtoyer les aéroports à grand trafic, les Alpes et la Méditerranée.
-Le Jodel Mousquetaire, équipé de skis.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

La Méditerranée, c’est elle qui assure en partie le succès de mon programme. L’hôtel de mes parents nous accueille, il n’y a qu’une route à traverser pour être sur la plage et nous disposons d’une voiture pour aller nous tremper dans l’ambiance de St Tropez.

 

 

C’est le début de la mode des seins nus. L’ambiance des boites de nuit est toujours aussi chaleureuse et le port très animé.

 

 

Mes parents sont heureux de me retrouver à chacun de mes voyages. Même si je leur pose le problème de nous loger tous chaque fois, et ce en pleine saison estivale.

 

 

Le Mousquetaire, c’est le "Beau Pédé". Son immatriculation lui vaut ce sobriquet: F—BOPD.

 

 

Le BOPD a une bonne autonomie, un moteur puissant de 180 Cv qui nous tire à 220 Km/h. C’est une vitesse très correcte pour un avion d’aéroclub.

 

Avec lui, j’établis une quasi-ligne régulière hebdomadaire vers la Côte d’Azur. À chaque voyage nous passons par Lyon, Genève,

Nice. Chaque arrivée, chaque départ est une accoutumance aux

aéroports à grand trafic.
La navigation à vue se contrôle au V.O.R. (moyen de radionavigation).

 

Sans le savoir, je suis un précurseur puisque plus de 10 ans après, les services officiels veulent promouvoir le voyage en modifiant complètement la méthode d’instruction du pilotage en introduisant le voyage dès les premières heures.

 

 

La route nous fait passer par les Alpes. Nous nous offrons souvent un magnifique survol du Mont Blanc quand la météo nous le permet, ce qui est souvent le cas en été.

 

Pour mes élèves habitués au vol de plaine, ce vol les émerveille (tout comme moi qui ne me lasse jamais du spectacle des montagnes vues d’avion) et les angoisse aussi un peu. La montagne vous en impose. Même en avion on se sent écrasé par, ces masses qui nous dominent dans une atmosphère raréfiée ou le moteur a de la peine à nous maintenir.

 

Vue d’un Jodel, la montagne impressionne, surtout quand on " lèche le caillou", mais peu à peu les appréhensions s’estompent et les appareils photo ou caméras sortent et entrent en action.

Dès mes premiers vols en Suisse et ensuite dans 1’ A.L.A.T (Aviation Légère de l’Armée de Terre) j’ai appris à flirter avec la montagne, à frôler les pentes, à s’appuyer sur les courants ascendants le long du relief, mais aussi à ouvrir l’œil pour repérer les câbles électriques. Ceux des téléfériques et ceux des transports de bois qui coupent les pentes parfois très haut au-dessus du sol. Presque invisibles ces câbles sont mortels. De nombreux pilotes d’avion et d’hélicoptère s’y sont fait piéger, arrêtés dans leur vol et dans leur vie en une fraction de seconde. Une inattention ou une imprudence.

 

 

C’est un vol très complet que j’essaye d’offrir à mes élèves: Navigation, radionavigation, intégration dans un circuit d’aéroport international , respect des zones règlementées rencontrées sur la route, vol en montagne.
Un tel vol demande une bonne préparation au pilote amateur qui perçoit en un vol tous les problèmes posés par un long voyage en vol à vue.
Nous terminons la première phase de notre périple à Fréjus, base aéronavale, ou mon père vient nous chercher. Partis très tôt le matin (au lever du soleil) nous avons encore le temps de profiter quelques heures de la plage avant de mettre le cap sur ST TROP.

 

Le 2 juillet 1969, après avoir déjeuné et piqué une dernière tête dans la grande bleue, nous nous apprêtons à regagner Orléans.
La météo n’est pas fameuse : orages sur les Alpes, orages dans la vallée du Rhône. Mais entre la météo annoncée sur les cartes et la réalité sur le terrain, il y a souvent une grande différence. Nous décidons d’aller voir.

 

Le ciel s’assombrit de plus en plus. Par le travers du Ventoux les nuages bas plus nombreux et de plus en plus bas nous contraignent au demi-tour. Marseille Information avec qui nous sommes en contact depuis le départ approuve notre décision et nous confirme que la situation ne va pas en s’améliorant. D’autres appareils plus au nord font face à des situations difficiles.

 

Tant qu’à être bloqués quelque part, autant que ce soit au bord de la mer.
Mon père revient nous chercher à Fréjus. Nous reprenons nos activités touristiques: plage et soirée tropézienne.

 

Au 3eme Jour de ce périple, la météo est tout à fait bonne pour un retour sans histoires.

 

En abordant les Alpes, nous sommes un peu secoués par la turbulence.
Nous sommes fatigués par la natation et nous avons veillé relativement tard. Pourquoi ne pas passer au-dessus des cumulus pour jouir d’un vol plus paisible ?
Un petit coup de moteur, nous prenons quelques centaines de mètres supplémentaires d’altitude, et le vol se poursuit tranquillement.

 

Insidieusement les nuages se sont faits plus denses, leurs sommets se sont élevés aussi. Le sol encore bien visible il y a seulement quelques minutes est maintenant complètement masqué. La couche est soudée.
Qu’importe, avant de prendre de l’altitude, nous avions constaté que la base des nuages était plus haute que le sommet des hauteurs environnantes et de l’autre coté, Lyon est dégagé.

 

En toute confiance, nous maintenons notre vol au-dessus de la couche. C’est du vol à vue tout à fait compatible avec la règlementation: nous sommes hors des nuages, il y a plus de 8
kilomètres de visibilité. Bonne occasion pour faire des relèvements VOR pour apprendre à se situer en radionavigation faute de repères naturels.

 

Nous montons petit à petit pour maintenir de la distance entre la couche et nous. Tout va bien à bord, nous somnolons un peu bercés par le ronron du moteur. Le soleil cogne sous la verrière.

Soudain, nous nous rendons compte que nous sommes au plafond des performances de l’avion et la couche nuageuse continue de monter.
Nous sommes maintenant aux environs de 4008 mètres.
Sous nos ailes les nuages défilent rapidement maintenant. À ce cap, nous allons bientôt être dedans.
Il est plus que temps de faire demi-tour. Cap au Sud, nous retrouverons la vue du sol, nous continuerons ensuite sous la couche et tant pis pour les turbulences.
Cap 180, route inverse et plein pot. La couche monte toujours. Nous sommes petit à petit submergés. Un instant encore nous voyons le ciel en levant la tète, puis nous entrons en conditions de vol aux instruments.
La couche s’épaissit, nous sommes en plein dedans.
Notre Mousquetaire n’est pas fait pour voler aux instruments, il est cependant équipé d’un viel horizon artificiel et d’un conservateur de cap alimenté par un système pneumatique à dépression, plus une "bille aiguilles électrique.
En principe avec cet équipement, nous devrions pouvoir poursuivre notre vol sans visibilité extérieure jusqu’à ce que nous retrouvions des conditions plus favorables plus au sud. Nous n’allons rester que peu de temps dans ces conditions.
Je ne suis pas encore qualifié pour le vol aux instruments, néanmoins j’ai fait beaucoup de simulateurs. Cet entrainement doit nous permettre de maintenir parfaitement le vol pour quelques instants.
C’est sans compter sur la température extérieure nettement négative. L’avion se couvre rapidement d’un léger givre blanc qui opacifie la verrière, mais aussi obstrue l’entrée d’air de l’alimentation pneumatique des gyroscopes qui font fonctionner l’horizon et le conservateur de cap.
L’antenne pitot qui fait fonctionner l’indicateur de vitesse est elle aussi rapidement bouchée par le givre.
Nous voilà frais....!
J’enclenche la bille aiguille électrique…..Elle ne fonctionne pas… ! Je constaterai plus tard que derrière le tableau de bord les fils électriques sont débranchés, notre mécano jugeant que c’est un instrument inutile pour des gens qui volent à vue et qu’il ne faut pas l’user… !.
En quelques minutes, nous sommes passés d’une situation tranquille au soleil à une situation qui tend à devenir dramatique.
Sans indicateur de vitesse, j’ai de la peine à nous maintenir stables en vol horizontal.
Je commence à douter de l’horizon artificiel. Il ne fonctionne plus tout à fait normalement. La grande vitesse initiale du gyroscope lui a permis de rester opérationnel assez longtemps après le givrage de la prise d’air, mais maintenant il est incliné sur le côté, j’ai de la peine à évaluer notre position réelle.
Le conservateur de cap fonctionne lui encore à peu près normalement. Il suffit au maintien du vol par ses indications de cap, mais pour combien de temps encore ?
Il est urgent de trouver une solution.
Il nous faut descendre. C’est une nécessité impérative pour retrouver des températures positives ou passer sous cette couche.
Dans quelques minutes je n’aurai aucun instrument pour maintenir le vol
.
Tous les pilotes peuvent le dire, il est impossible de maintenir un vol dans les nuages sans instruments gyroscopiques. Même les oiseaux ne volent pas dans les nuages.
Tout en descendant, mon élève copilote essaie de nous situer le plus exactement possible au VOR.
Un rapide coup d’œil à la carte et je fixe à 3000 mètres l’altitude plancher : altitude de sécurité dans la région compte tenu des sommets qui culminent assez haut dans ce secteur.
Faute de nous positionner exactement, je compte absolument qu’à cette altitude nous aurons quitté les conditions givrantes pour relancer les gyros et continuer vers le sud, vers le ciel clair.
Puis l’horizon devient totalement hors service.
Le conservateur de cap se met en rotation rapide, je dois le mettre en position "recalage" quelques secondes et le libérer pour garder une référence de vol… La seule qui me reste encore pour rester en vol normal. Si on peut appeler "normal un vol avec 2 ou 3 décrochages suivis de ressources angoissantes dans la turbulence des nuages.
Tous les articles que j’ai pu lire sur le sujet, sur les accidents survenus dans des conditions en tous points semblables me reviennent en mémoire avec une précision terrible.
Je n’ai pas besoin d’imaginer, je sais ce qui va nous arriver dans quelques instants. Nous allons partir en virage engagé, un virage en spirale incontrôlable sans référence d’assiette, de cap ou d’inclinaison. Je vais imposer à l’avion pour essayer de le redresser de telles contraintes que l’aile finira pas casser en vol, notre trajectoire s’achèvera au bout d’une vrille accélérée à moins qu’avant cela nous nous soyons écrasés sur le flanc d’une montagne.
De toute façon, c’est pour bientôt et ce sera vite terminé
… !
Curieusement, je suis parfaitement calme. Je pense que , être occupé, se battre pour survivre jusqu’au bout de ses possibilités empêche d’avoir peur.
Je pense intensément que c’est bête de se tuer à 27 ans seulement.
J’enrage de m’être fait piéger si stupidement.
Sont avec moi dans ce vol 2 élèves dont un parachutiste de haut niveau qui fait le point calmement à côté de moi, avec beaucoup de maitrise de soi, la pratique du parachutisme sans doute, et aux places arrières, un élève débutant et un pilote très confirmé aussi bien en vol à voile qu’en vol moteur ayant plus de 1000 heures de vol.
Il subit la situation. De la place arrière il ne peut que subir en spectateur. Crispé sur le dossier du siège avant, il répète "On va se péter, on va se péter la gueule !

Soudain, au moment ou je vais perdre le contrôle de l’avion, une déchirure dans les nuages me fait entrevoir le sol une fraction de seconde. Cette vision fugitive me replace dans l’espace et j’amorce un virage rapide en descente. Une fois encore j’entrevois le sol, je sais que je peux descendre. Je ne fais plus attention à l’altimètre, je m’accroche à ce bout de terre que j’ai aperçu. Je continue ma spirale moteur tout réduit.
Je suis bien incapable de dire à quelle altitude nous sommes sortis des nuages, mais brutalement nous sommes sortis du cauchemar, éjectés de ce monde hostile, nous avons retrouvé la planète, nous survolons Gap.

 

 

Combien de temps a duré cette situation , de 10 à 15 minutes. C’est long, c’est très long.
En vue du terrain de Gap, nous nous posons pour récupérer.
Indispensable de faire une pause.
Au bar de l’aéroclub, un peu choqués, mais heureux d’avoir retrouvé le plancher des vaches nous ouvrons une puis deux bouteilles de champagne pour fêter notre retour dans le monde des vivants.

S’il est dit que
nous avons tous 7 vies à la naissance, je viens d’en utiliser une et ce n’est peut-être pas la dernière.
J’ai gardé un des bouchons de champagne. Je garde ceux des grands évènements. C’en est un. De temps en temps quand je le vois, il me rappelle que le ciel a veillé sur nous ce jour-là, mais qu’il ne faudrait pas trop jouer souvent à ce jeu-là.
bouchon-Gap.JPG

 

Grâce au fait qu’à 16 ans faute de pouvoir piloter un avion j’ai fait de nombreuses heures de simulateur, j’ai pu faire face.
Il y a encore malheureusement dans les clubs des gens pour dire qu’il ne faut pas mettre d’instruments de pilotage sans visibilité dans les avions pour ne pas inciter les gens à se mettre dans les nuages à tous moments en voyage. Ceux qui y ont tâté savent bien qu’avec une formation minimum, c’est une bonne bouée de sauvetage et que ceux qui ont essayé le vol sans visibilité se rendent suffisamment compte des difficultés d’un tel vol pour ne pas l’entreprendre volontairement (à part quelques amateurs de sensations fortes qui finissent bien par se casser la gueule d’une manière ou d’une autre ! )

Nous, nous avons été pris par une modification insidieuse des conditions de vol. Il n’y a pas eu d’imprudence caractérisée, volontaire.
Trop confiants dans les performances de l’avion, dans la météo bonne au-dessous de la couche, .je n’ai pas rebroussé chemin assez tôt, l’épaisseur croissante des nuages m’a piégé.

 

 

C’est certainement la situation la plus délicate à laquelle J’ai eu à faire face, c’est en tout cas celle qui aura duré et compté le plus.

 

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30 janvier 2007 2 30 /01 /janvier /2007 20:58

Le DC3 est la plus grosse machine qu’il m’ait été donné de piloter. C’est un avion de plus de 12 tonnes pouvant emporter 36 passagers.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conçu avant la dernière guerre, destiné au transport de passagers, ce fut le premier avion qui méritait le label "Avion de Ligne".

Sa longévité est prodigieuse. Plus de 60 ans après sa mise en service, il vole encore à près de 2000 exemplaires. Il fait encore les beaux jours de petites compagnies régionales un peu partout dans le monde: investissement faible pour une bonne capacité d’emport sur de petites distances et la possibilité de se poser vraiment partout, même sur les aérodromes les plus sommairement aménagés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’ailleurs, un de mes collègues de la Compagnie UNI-AIR a fait une mission mémorable pour rejoindre un chef dissident du Tchad exilé dans le désert, opposé à son gouvernement. Une équipe de la télévision s’était présentée à la compagnie en prétendant avoir un feu vert de la plus haute autorité de l’état, l’Élysée, pour interviewer Hissen Habré. Ce rebelle a bien bénéficié d’un soutien de l’état français. Il est ainsi devenu Président de son pays.

Christian a pu se poser en plein désert, refaire le plein avec les bidons embarqués, des centaines de litres (interdit) à la pompe à main en filtrant l’essence au travers d’une peau de chamois dans un entonnoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partis sans contrôle douane/police, il a fallu s’expliquer au retour

Ce reportage n’a jamais été diffusé sur les chaines françaises. L’équipe télé avait joué au culot le reportage après de la compagnie. Aucune autorisation même implicite n’avait jamais été obtenue. Compte tenu de la politisation du reportage, cette affaire a été étouffée, les pilotes n’ont pas été inquiétés. Mais par la suite, l’avion a été maintes fois contrôlé, car il était entré dans les registres d’avions suspects auprès des douanes françaises.

Cet avion est mythique

Tous les pilotes qui l’ont eu entre les mains lui vouent un véritable culte. (Comme moi…) D’un pilotage classique à l’ancienne avec son atterrisseur de queue et ses grandes ailes très porteuses, il est délicat à manier.

Avion lourd ou léger selon la charge, il offre un réel plaisir aux commandes. Utilisé pendant la guerre, le "DAK" a participé massivement à la libération de la France en larguant les parachutistes alliés au-dessus de la Normandie. Premiers parachutages à Sainte-Mère l’Église.

13.000 exemplaires construits.Ce record de production est inégalé dans l’histoire du transport aérien. Les "Liners" les plus produits atteignent seulement quelques milliers d’exemplaires. 3 000 pour l'Airbus A-320 fin 2006 et autant pour le Boeing 737.

Si l’on peut dire que c’est un avion aux qualités de vol extraordinaires qui défie le temps, on peut aussi dire qu’il y en a près de 11.000 qui ne sont plus en service, modèle dépassé, il y en a aussi eu un bon nombre de " crashés " ...... C’est malgré tout un avion aux performances très limitées et même " très limite" sur un moteur.

De nombreuses tentatives de remotorisation ont eu lieu, certaines fort réussie, avec des turbines bien sûr, dont une version trimoteur style "Junker 52": une turbine dans le nez.

 

 

 

 

 

le  Junker 52

 

 

 

 

 

En 1975 je crée l’Agence UNI-AIR LILLE.

La Compagnie voit la plateforme de Lille intéressante pour y baser un DC3, j’ai trouvé un contrat de départ: le transport du LOSC - Lille Olympique Sporting Club. Nous assurons tous les déplacements de la saison de foot.

Un système de tombola mis en place dans des "cafés sportifs" permet de payer la moitié du vol en prenant 15 supporters avec les joueurs. 15 supporters qui ont gagné avec le billet de transport un billet pour le match.

L’un de mes premiers vols sur cet avion est une mission "poussin d’un jour" à destination d’Oran en Algérie au départ de Toulouse. Troisième membre d’équipage, je ne suis pas là en pilote, mais en passager " pilote observateur " en vue de passer la qualification.

Les poussins à la sortie de l’œuf sont capables de vivre 3 jours sans être nourris. Il faut donc profiter de ce délai pour les faire voyager. Les couveuses industrielles programment très précisément l’éclosion des œufs, les empilent par dizaines dans des boites en carton trouées.

Le DC3 peut en transporter 40 000….!

40 000 poussins qui piaillent, ça fait du bruit.

Bien que l’avion ne soit pas pressurisé, le taux de perte est très faible. Moins de 10 % alors que sur les avions commerciaux gros porteurs, les taux sont de 30 % et plus, principalement dus aux délais d’acheminement et à la température dans les soutes.

Vol de nuit de 4 heures qui nous fait passer au-dessus des Baléares et au petit jour, finale à vue pour la piste d’Oran. Le brouillard envahit le terrain juste pendant notre approche. Quand nous touchons des roues, seuls les 800 premiers mètres de piste sont dégagés. Quelques secondes plus tard, le terrain est impraticable. Il était temps.

Sur le parking commence une longue attente. Les autorisations d’atterrir en Algérie ne sont pas arrivées au fonctionnaire responsable de l’aéroport. Nous n’avons donc pas non plus l’autorisation de repartir. Il fait chaud et pendant ce temps les poussins débarqués sur des charriots de piste attendent dans leurs boites. Le taux de mortalité risque de s’élever rapidement. Pour tout arranger, un jet tourne près de nous et son souffle renverse des dizaines de boites. Les poussins sont partout. Ils envahissent le parking. Ça va occuper un moment le personnel de piste qui attend avec nous une décision des "autorités".

Lorsque nous sommes autorisés à repartir, les poussins sont toujours au bord de la piste. Personne n’est venu les réclamer…!

Nous sommes en l977,mon Piper Navajo est en visite annuelle pour près d’un mois.

Me louant à UNI-AIR comme pilote occasionnel, je compte m’y faciliter une entrée ultérieure à temps plein.

Cette année-là, je ne vois pas mon avenir bien assuré avec mon employeur du moment. Je pars à Caen pour une affectation de quelques semaines.

Je vais prendre en main "la bête" . Un Dak frété par un importateur français de bétail fait plusieurs fois par jour le trajet Southampton — Caen, embarquant à chaque passage quelque 70 veaux d’une cinquantaine de kilos.

Je commence dès mon arrivée la qualif copilote.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon collègue Commandant de bord me fait faire une prise en main musclée. Lui, il sort de l’aéronavale et a des centaines d’heures sur le " Dak ". Séance de tours de piste serrés en basse altitude. Tellement serrés que ce dimanche, plus un seul avion du club local n’ose pointer son nez dans le tour de piste.

Toutes les 3 minutes, nous occupons la finale. Sans être un Boeing, la taille de notre avion en impose.

" Qui te rends si hardi de troubler notre sillage ?  " pourrions nous dire…..

L’atterrissage est toute une technique. Il faut poser les roues principales d’abord et les faire coller à la piste en ligne de vol, bien tangenter la piste et pousser un petit coup sur le manche dès que ça touche.

Un temps de retard et ça rebondis. Quand ça commence il vaut mieux repartir pour une nouvelle tentative, en général le mouvement de rebond ne fait que s’amplifier. Puis laisser descendre la queue pour poser la roulette arrière dès que la vitesse diminue.

Le Manuel de vol lu et relu, le programme de prise en main achevé, le lundi matin nous mettons le cap vers Southampton via Deauville pour faire valider ma qualif. par le district aéronautique. Ce sera ma première mission "fret" avec cet avion et je m’en souviendrai !!

Des box répartis sur l’avant occupent toute la largeur du fuselage. Le pilote chargé de verrouiller la porte de l’intérieur doit pour atteindre le cockpit enjamber les cloisons et le bétail.

Pas d’uniformes à galons, nous sommes des cowboys.

Ça pue, les veaux font leurs besoins dans les box. Le sol est couvert d’une bâche et de sciure de bois pour éponger.

Nous n’avons jamais inclus ce poids supplémentaire dans nos calculs, mais à la fin de la journée, après plusieurs rotations, je suis certain que ça compte réellement.

Le soir nous sentons la bouse à 20 mètres.

Nous sommes en hiver. La chaleur dégagée par les bêtes et la vapeur d’eau de leur respiration fait condenser l’atmosphère. Quand ils arrivent pour embarquer, ils ont fait en camion plus de 20 kilomètres. Ils sont stressés, en sueur.

Le chauffage asthmatique ne suffit pas à sécher l’atmosphère. Des gouttes tombent du plafond. Nous sommes obligés de porter des bonnets pour échapper à cette douche permanente et nous passons notre temps à nettoyer le parebrise embué. Les constructeurs n’ont jamais prévu d’essuie-glaces intérieurs.

Mais nous craignons surtout le givrage. Nous attendons depuis longtemps la pose des dégivreurs que le service technique promet depuis des semaines et qui sont en attente de livraison. Nous nous trainons dans les couches de nuages aux températures idéales de givrage: entre zéro et moins cinq,

Mais revenons à mon premier vol transport public de veaux : à Southampton, nous embarquons l’importateur qui est venu voir son fournisseur et deux de ses employés. Ce n’était pas prévu, nous sommes déjà à la masse maximum au décollage et probablement plus. Les veaux sont bien déclarés à 50 Kg l’unité, mais nous sommes persuadés qu’en fait ils sont plus lourds. Une fausse déclaration pour nous en faire embarquer un maximum. Et il faut compter la sciure de bois gavée de pisse et de bouse.

Décollage de nuit. Montée au niveau 50. mise en croisière. Nous sommes stabilisés depuis quelques minutes quand notre hélice gauche s’emballe. Le régime monte régulièrement. Malgré notre action sur le régulateur, le régime continue à s’emballer. Le régulateur est bien mort, il faut stopper le moteur avant qu’il ne casse, nous sommes déjà à 3000 tours.

L’hélice passe en drapeau. Le moteur s’arrête. Ouf

Ca y est je l’ai ma panne moteur. Depuis le temps que je suis entrainé à cette éventualité, il fallait bien que cela arrive un jour. J’ai même fait une photo en vol de l’hélice en drapeau.

En principe, un bimoteur est fait pour voler sur un moteur, voire même monter sur un moteur. Oui, mais les avions de l’époque avaient des performances très limitées. Sans compter que le moteur droit est à bout de potentiel et qu’il chauffe dès qu’on le pousse un peu.

Avec notre chargement nous ne parvenons pas à tenir le niveau de vol.

Lentement, malgré toute la puissance que nous osons mettre sur le moteur restant, nous descendons. Le moteur était atteint par la limite d’âge dans les 10 heures à venir. Nous ne lui demandons que 45 minutes de vie. 45 petites minutes qui vont être longues. Vers 2500 pieds, l’air plus dense, plus porteur nous stabilise sur la trajectoire horizontale. Mais il y a encore du chemin.

Depuis le début de la panne, je suis aux commandes. Mon Commandant de bord s’est d’abord occupé de la procédure arrêt moteur.

Je tiens 100 nœuds. C’est la meilleure vitesse et c’est la seule que nous puissions tenir pour garder l’altitude.

J’essaye un noeud de moins: 99 ça descend.

J’essaye un noeud de plus : 101 ça descend aussi

Tout en surveillant les paramètres moteurs qui semblent s’être stabilisés, stables dans le rouge, mais stables, nous évaluons les possibilités d’un atterrissage sur une plage. La marée est haute, les plages sont couvertes. Ce serait obligatoirement un amerrissage.

La nuit est parfaitement claire. Négocier un amerrissage serait plus sûr qu’un atterrissage dans le bocage normand. Les champs y sont très petits, bordés d’arbres et dans la campagne, la lune n’éclaire pas comme sur le bord d’une plage.

Je demande à l’importateur de ranger mon NIKON dans la boite étanche qui protège mon matériel. "si nous devons aller à la patouille, ce n’est pas la compagnie qui me paiera un nouvel appareil photo !"

Lui qui jusque-là bavardait avec nous, se met dans un coin et se fait oublier. Il vient de prendre conscience de l’urgence. Mon collègue a sorti les Mae-West. (Mae-West était une actrice américaine qui avait des formes bien arrondies, son nom a été donné aux gilets de sauvetage en plaisanterie, mais c’est resté un nom officiel de cet équipement… ! )

Au passage de la côte française, nous décidons de continuer. Notre choix est fait. Il faudra bien que le moteur tienne.

Caen informé de notre infortune a mis en piste les services de sécurité. Tout le monde est prêt à nous recevoir. Météo favorable pour une approche à vue, nous évitons les pertes de temps d’une procédure aux instruments.

Jusqu’en courte finale, le comportement de notre moteur continue d’accaparer notre attention. Nous avons quand même une pointe d’énervement supplémentaire en finale en apprenant qu’un collègue prêt à décoller traine sur la piste avec son Cheyenne pour un décollage face à nous.

Ce crétin n’a pas réalisé le stress supplémentaire qu’il nous a créé, car pour nous la remise des gaz et un tour de piste supplémentaire sont exclus.

Il finit quand même par décoller et dégager l’axe de piste sous notre nez. Mon " Captain " soigne son atterrissage et nous arrête en bout de piste au milieu des voitures de pompier. Fin du vol.

Un jour, au débarquement des veaux, nous avons droit à une belle séance de rodéo et de rires. Quelques veaux se sont échappés avant de monter dans le camion et gambadent sur le terrain. Le personnel de la chambre de commerce court après eux un bon moment avant de les retrouver tous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le régulateur changé, nous faisons encore quelques bons vols. Nous avons même encore une panne de régulateur, moins grave, mais qui nous oblige à dérouter de Caen vers notre base technique de Dinard. Nous allions à Southampton comme d’habitude chercher notre bétail. Le problème est vite résolu par l’atelier. Mais nos soucis ne sont pas terminés. Quelques jours plus tard en arrivant au terrain, nous trouvons les douaniers et notre avion scellé.... pour avoir décollé de Caen avec un plein d’essence détaxée à l’exportation et avoir atterri en France sans le signaler aux douanes.

Ces problèmes administratifs ne nous concernent guère, la chambre de commerce règle tout cela pour nous. Cependant, même si nous ne voyons pas la couleur des formulaires, l’équipage reste responsable. Le Commandant de bord doit payer 3000 f rs d’amende !!

3000 f rs en 1977 c’est la moitié de ma paie.

UNI-AIR ne veut rien savoir et refuse de payer pour nous, c’est une amende, pas une note de frais. La chambre de commerce ne veut pas payer non plus.

Mon collègue commandant de bord est logiquement seul responsable, mais n’a pas un sou d’avance sur son compte. Je finis donc par payer pour débloquer l’avion et continuer les vols espérant bien résoudre le problème avec un de mes copains douaniers qui est à la DNED (direction nationale des enquêtes douanières). Les choses trainent. Des semaines plus tard seulement je recevrai une remise sur amende de 1500 frs par les douanes. Entre temps, UNI-AIR avait admis de me rembourser. J’ai gardé la différence. J’avais bien pris le risque de tout perdre…

À citer parmi les pannes que nous avons traitées: la rupture d’une pièce qui bloque la roulette de queue pour les atterrissages et décollages. C’est une pièce fusible qui casse avant que la Cellule ne se déforme.

Roulette non bloquée au décollage ou à l’atterrissage, nous risquons la sortie de piste. Nous n’avons pas cette pièce en stock, mais nous savons qu’un DC3 hors service est en rade à St brieuc et pourrait nous dépanner. En pleine nuit, nous réussissons à cannibaliser cet avion et reprendre les vols après une très courte nuit de sommeil.

Nous sommes loin des vols super assistés des vols des compagnies régulières.

Nous ne sommes pas remerciés de ces prestations extra- professionnelles, c’est la routine de l’époque. Nous nous sentons pleinement responsables de notre mission. L’aptitude au système "D" est de rigueur.

Malgré toutes nos pannes, je fais près d’une centaine d’heures de vol pendant cette période d’intérim.

Et nous avons même failli le détruire un matin. Pas en vol.. .au sol…!

À l’issue de chaque mission, nous garons le Dak dans un coin du parking pour qu’il ne gêne pas les autres appareils. Avant chaque vol il est remis sur l’aire d’embarquement au tracteur.

Un matin, pas de tracteur. Il est en service à l’autre bout du terrain. Avec le personnel de piste, je décide d’enlever les cales et d’essayer de le déplacer en le poussant en marche arrière. Nous avons fait la même manœuvre la veille pour les mêmes raisons. À trois ou quatre, nous avions réussi à le faire bouger.

Je monte à bord ranger mes affaires tranquillement. Pendant ce temps-là, les gaziers de la piste commencent la manœuvre sans moi. Je reviens vers la porte pour me rendre compte soudain que l’avion est en marche arrière rapide. Les cales placées derrière les roues pour le stopper n’ont pas suffi à arrêter sa course. Les roues du Dak sont énormes et passent dessus sans même le faire ralentir.

Ce qu’il se passe ... Tout simplement que non seulement le parking est en légère déclivité, mais qu’en plus, aujourd’hui le vent souffle assez fort et les grandes plumes, cabrées vers le ciel dans sa position au sol, lui donnent une prise au vent énorme.

Dans sa course en marche arrière, il se dirige droit vers les pompes à essence et le bâtiment météo. En une seconde le prend conscience de la situation. J’ai la curieuse impression d’être un spectateur sur une scène à 2 mètres du sol, la scène se déplace devant des gens qui s’agitent, impuissants.

Dans cette même seconde, j’aperçois mon collègue qui vient d’arriver près de l’avion qui me crie:...freine ...freine !!! ".

Je bondis vers le poste de pilotage, enjambant les box tel un coureur de 110 mètres haies.

Il n’est pas garanti que le puisse stopper l’avion. Le circuit hydraulique est en pression moteurs tournants. À l’arrêt, la pression chute après immobilisation.

Installé en catastrophe aux commandes, je pompe, je pompe, je pompe sur les freins, les yeux rivés sur les pédales.

Quand l’ose regarder dehors, l’avion s’est immobilisé. Il n’y a pas eu de choc. Je suis toujours debout sur les freins. Mes pieds tremblent un peu sur les pédales.

Je ne sais pas comment je suis arrivé si vite dans le cockpit. J’ai mal à un genou. Je me suis cogné de partout.

Personne ne dit mot. Nous nous regardons tous en silence. Il n’y a rien à dire. La catastrophe à été évitée de peu.

La même mésaventure est arrivée à un autre DC3 qui sortait de grande visite sur le parking incliné de St Brieuc: Retrait définitif du service actif.

Petite remarque technique:

Les avions modernes transportent plus de passagers, plus vite, mais en matière de consommation, seuls les réacteurs de la dernière génération permettent des progrès sensibles en termes de consommation distance par passagers

Exemple:

En 2 heures, sur un trajet de 500 km, un DC3 consomme environ 1200 litres avec 36 passagers. Soit 0.066 litre/km-passager

En 6 heures, sur un trajet de 4500 km, un Boeing 747 consomme environ 100 tonnes de kérosène: 125 000 litres avec 500 passagers. Soit 0.055 litre/km-passager

En 2 heures, sur un trajet de 850 km, un Beechcraf-200 consomme environ 700 litres avec un maximum de 13 passagers. Soit 0.063 1 itre/km-passager.

Les progrès techniques nous permettent donc de voler plus vite, plus confortable, et plus surement, mais nous consommons tout autant. Curieux non. Cela dit, les tout derniers réacteurs consomment moins, mais cette règle est restée valable pour bien des avions.

Autre remarque, économique celle-là :

L’importateur des veaux anglais destinés au marché français exportait sa propre production à l’étranger et touchait les primes françaises à l’exportation… !

Quelque temps après, il a acheté un DC3 et embauché son propre équipage.

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18 janvier 2007 4 18 /01 /janvier /2007 13:20

Une mauvaise blague – Le lâcher du 15 aout.

Un de mes bons copains, Roland Diemer, aujourd'hui pilote d’avions d’affaires, est instructeur sur la base et fait partie de la fameuse patrouille hélico de l’ALAT. Il est aussi instructeur avion pour pilotes privés et vient régulièrement au club faire de l’instruction.

Le 15 aout 1973, il termine une séance avec un élève et s’apprête à le lâcher pour son premier vol solo. Comme je l’ai dis, ce premier lâcher est toujours un moment de petite angoisse pour l’élève et pour l’instructeur aussi.   Je demande à Geo de prévenir la tour de ne pas s’inquiéter de ce qui va se passer et je saute sur un vélo vers le bout du terrain en début de piste décollage et là, j’attends couché dans l’herbe le passage de l’élève de Roland. Je lui fais signe et je lui explique que je vais le remplacer pour ce vol et qu’il reste bien planqué la fin de mon vol. Roland est resté près des hangars pour surveiller son élève.

La suite est une véritable démonstration de tout ce qu’un élève peut faire. Décollage en zigzag, montée avec des variations d’assiette, dernier virage mal redressé qui se termine en piqué, atterrissage avec rebond et rerebond, plein moteur puis moteur réduit à fond, remise des gaz à mi-puissance et envol à la limite du décrochage en direction du parking militaire hélicoptères. Bref, l’horreur pour l’instructeur, impuissant sans radio pour communiquer avec son élève.

Roland en a été réellement malade, mais ne m’en a pas voulu. On en rigole encore. Je dois dire que nous étions jeunes et que maintenant je n’aimerai vraiment pas du tout qu’on me fasse un coup comme ça.

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