Aviation de montagne - vol professionnels - aviation d'affaires
Avec le Pr Milhaud (cofondateur d'Europe Assistance, patron du service d'urgence et de réanimation d'Amiens) je vais faire une EVASAN particulièrement émouvante du temps du Navajo. Un jeune homme doit être rapatrié chez lui à Rennes à la suite d’une tentative de suicide. Il est à Amiens dans son service. Les conditions météorologiques ne permettent pas de se poser à Glisy. Il faut le transporter à Beauvais, plus proche d’Amiens que de Lille et sur cet aéroport les conditions sont correctes. .
Nous sommes en fin de matinée, je décolle seul à bord de Lille après être bien sûr passé à la météo ou j’ai pris un dossier complet.
En arrivant à Beauvais, le contrôle me signale que les conditions se sont considérablement dégradées, il n’y a plus que 200 mètres de visibilité, pas de plafond mesurable. Cette dégradation n’était absolument pas prévisible, il était même annoncé une bonne amélioration pour le milieu de la journée.
Le contrôleur m’annonce que l’ambulance est au pied de la tour et me demande mes intentions. Je tourne un moment dans le circuit d’attente. À Lille j’ai déjà fait des atterrissages avec très peu de visibilité. À cette époque, les contrôleurs ne sont pas très regardants sur les minimas quand ils connaissent le pilote. Là, je ne suis pas en pays connu, je peux craindre pour ma licence si j’essaye de me poser, mais aussi les conditions sont vraiment marginales, je suis très tendu. Finalement, je comprends à demi-mot que je peux tenter une approche.
Je suis sous pilote automatique, mais il faut le déconnecter assez tôt, car vers 300 pieds il n’est plus stable sur le plan d’approche. Je prévoie d’annoncer à haute voix l’altitude tous les 100 pieds à partir de 500 pieds pour être bien concentré sur mon ILS, bien vigilant sur tous les paramètres. L’approche débute, les conditions sont inchangées.
Je suis tellement tendu, stressé que j’ai fini l’approche comme un automate, j’ai soudainement aperçu la piste, j’annonce piste en vue alors que je suis déjà posé, mais je ne me souviens pas de ce qui s’est passé entre 500 pieds et le sol, je n’ai pas annoncé les altitudes comme je l’avais prévu, c’est un automate qui était aux commandes.
Le Pr Milhaud, est là près de l’ambulance au parking. Pilote privé lui-même, il apprécie la "performance" et me félicite . Pratique d’un autre temps, je ne mérite pas de félicitations, je suis plus à blâmer qu’à féliciter, mais j'étais seul à bord sans passager, sans copilote. Il est certain que si nous avions été deux pilotes, nous n'aurions pas entrepris cette approche, à deux on réagit mieux.
À ses côtés le père du garçon à transporter. Il a suivi les évènements et connais les risques que j’ai pris. Il vient vers moi pour me remercier et me prend dans ses bras
« C’est magnifique ce que vous avez fait ». IL pleure ...et je me mets à pleurer avec lui, l’émotion, la tension du vol, c’est un moment très très émouvant.
Le transfert du patient de l’ambulance à l’avion effectué, le père du garçon nous accompagne et nous décollons destination Rennes. Depuis mon atterrissage la visibilité est redevenue correcte. Météo fluctuante… !
Le vol se passe sans problème, la météo bretonne est bonne, je me dépêche de faire le plein pour le retour, car les conditions au nord de la Seine ne s’annoncent pas brillantes, sur de nombreux aéroports les visibilités sont en baisse. Il ne faut pas perdre de temps.
À ½ heure de Beauvais, l’aéroport nous signale que les conditions météo se dégradent elles sont de nouveau inférieures à mes minimas d’atterrissage. Je ne vais bien sûr pas recommencer mon exploit de ce matin. D’ailleurs, je ne suis pas à l’abri d’une sanction, car si le contrôleur a fermé les yeux sur mon atterrissage, rien ne dit que le commandant d’aéroport, s’il est informé de ce qui s’est passé, ne dépose pas un compte rendu d’infraction.
Bon…faisons le tour des aéroports praticables : Lille ma destination finale, fermée. Paris Le Bourget, fermé. Reims, accessible, procédure de déroutement, mais en cours de route, le brouillard tombe… ! Bon, ça commence à être délicat, heureusement, comme nous n’étions plus que deux au retour, j’ai pu faire le plein complet et j’ai au moins quatre heures d’autonomie, de plus, je suis passé en croisière « éco » depuis un bon moment, ça donne encore un peu de marge.
Compte tenu des circonstances, Paris Charles de Gaulle, Roissy, m’accepte, c’est encore bon chez eux. Normalement on ne peut s’y poser en avion d’affaires que sur demande préalable pour assurer une connexion. Mais les conditions se dégradent encore et il faut trouver un autre terrain. Reste le Havre, situé en bord de mer, ce terrain bénéficie de bonnes conditions. Nouveau déroutement, le contrôleur nous dit de ne pas perdre de temps, en effet, à peine posés, une brume de mer envahie le terrain nous sommes en plein brouillard. Ouf…après il aurait fallu chercher du côté de la Belgique, voire même Amsterdam…